Le coureur cycliste le plus titré de l’histoire est né le 17 juin 1945 à Meensel-Kiezegem, dans le Hageland, à l'est de Louvain et a passé toute sa vie en Brabant flamand et à Bruxelles. De Meensel-Kiezegem à Sint-Brixius-Rode, en passant par Woluwe-Saint-Pierre, Vilvorde et Anderlecht : voici l’histoire des lieux qui ont contribué à forger Eddy Merckx.
Radio 2, Eric Steffens, Jeroen Guns
"Il ne se passait pas grand-chose ici, en temps normal, mais quand Eddy venait nous rendre visite, il y avait toujours de l’animation. Il mettait de la vie dans le village. Je l’admire vraiment. S’il se passait quelque chose, c’était toujours grâce à lui."
C’est son cousin Jef Pittomvils qui parle, de quatre ans son cadet. Le regard plein d’émotion Jef se remémore leur enfance à Meensel-Kiezegem, un petit village qui fait partie de la commune de Tielt-Winge, dans le Hageland (Brabant flamand).
Eddy n’a qu’un an lorsque ses parents déménagent à Woluwe-Saint-Pierre (Bruxelles) pour y ouvrir une épicerie. Mais, lorsqu’il était enfant, il ne ratait jamais une occasion de rendre visite à sa famille et de venir s’amuser à la campagne où il y avait des champs à perte de vue.
L'insouciance de l'enfance à Meensel-Kiezegem
"On faisait plein de bêtises ensemble. Un jour, qu’on jouait à cache-cache, on ne trouvait Eddy nulle part. Il s’était glissé dans un puits, suspendu, les pieds dans un seau. Ses parents n’ont pas vraiment apprécié...", raconte Jef en riant.
Eddy restera, toute sa vie, très proche de sa famille. À Meensel-Kiezegem, il retrouvait non seulement ses proches, mais aussi une liberté dont il profitait moins à Woluwe-Saint-Pierre, un quartier huppé de Bruxelles.
La statue d’Eddy Merckx à Meensel-Kiezegem est orientée vers sa maison natale, située en face, de l’autre côté de la rue.
"Enfant, Eddy débordait d’énergie. Aujourd’hui, on dirait qu’il était hyperactif. Il faisait des bêtises en permanence et rentrait souvent en retard à la maison", explique le journaliste et spécialiste de Merckx, Johny Vansevenant.
"Il se prenait parfois une raclée ou deux de son père. Eddy m’a confié qu’il était parfois tellement surexcité qu’il frôlait la crise de nerfs. Alors son père le saisissait et lui passait la tête sous le robinet d'eau froide. Et ça le calmait. Eddy trouvait toujours que son père avait eu raison de le punir", poursuit Johny.
À Meensel-Kiezegem, le petit Merckx peut se défouler à cœur joie. Il y passe presque toutes les vacances scolaires, et on l’y retrouve souvent aussi le week-end.
Jef (à droite d’Eddy) était toujours au premier rang pour assister aux victoires de son célèbre cousin, comme sur cette photo lors du championnat de Belgique des débutants à Libramont en 1962.
On l'avait surnommé "Tour de France" à Woluwe Saint-Pierre
Lorsqu’il était gamin, Eddy faisait des tours avec son petit vélo autour de la place des Bouvreuils où ses parents habitaient, il grimpait les rues en pente proches du parc de la Woluwe. Là, il se lançait à toute vitesse avec son vélo et faisait des courses avec les camarades de son âge. Les habitants du quartier, l’avaient surnommé "Tour de France".
Mais devenir coureur cycliste en habitant à Woluwe-Saint-Pierre, dans les années 50 et 60 n’allait pas de soi. "Sa mère était trop protectrice et ne voulait absolument pas qu’Eddy devienne coureur cycliste. Elle trouvait son fils bien trop doux pour pouvoir s’imposer dans ce milieu très dur", raconte Johny Vansevenant.
"À cette époque, le quartier cossu du Chant d’Oiseau était aussi presque entièrement francophone, avec des habitants plutôt aisés. Or, le cyclisme était alors encore un vrai sport populaire, un sport d’ouvriers, et cela était un peu méprisé à Woluwe-Saint-Pierre. On y pratiquait plutôt le hockey ou le tennis."
Eddy a passé une sorte de pacte moral avec ses parents. Une fois leur accord obtenu, il s’est engagé à tout donner, sans jamais avoir droit à l’échec.
Johny Vansevenant, journaliste et auteur de la biographie d'Eddy Merckx.
Après de longues insistances, sa mère a finalement cédé au rêve de son fils. "Eddy a passé une sorte de pacte moral avec ses parents, surtout avec sa mère. Une fois leur accord obtenu, il s’est engagé à tout donner, sans jamais avoir droit à l’échec. C’est aussi en partie ce qui explique qu’il soit devenu aussi fort", explique Johny Vansevenant.
Eddy rejoint le "Evere Kerkhoek Sportief", un club cycliste en pleine expansion dans la commue d’Evere (Bruxelles) où roule aussi son bon ami Guillaume Michiels, qui deviendra plus tard son soigneur.
Une fête de famille chez les Merckx. Eddy a toujours été un homme très attaché à sa famille.
Sa première victoire comme professionnel à Vilvorde
En 1965, Vilvorde est le théâtre de la première victoire professionnelle de Merckx. Lors de sa cinquième course en tant que professionnel, il remporte le Grand Prix de la Ville de Vilvorde, un coup de pouce en vue du Championnat de Belgique quelques mois plus tard, également à Vilvorde. Mais le déroulement sera différent.
"Eddy avait rejoint Solo-Superia, l’équipe du grand Rik Van Looy. Merckx espérait que Van Looy deviendrait son mentor, mais celui-ci voyait Merckx comme un concurrent et une menace pour son palmarès. Lors de ce championnat de Belgique en 1965, Van Looy ne lui a pas donné de bons conseils, ce qui a conduit Merckx à terminer deuxième", explique Johny Vansevenant.
Cette expérience a laissé un goût amer à Merckx, au point qu’il quitte l’équipe après un an seulement.
L'amour trouvé à Anderlecht
Peu de temps avant, Eddy avait fait la connaissance de Claudine à Anderlecht, la fille de l’ancien coureur cycliste et sélectionneur Lucien Acou. "Eddy était un coureur amateur et, pour être sélectionné aux championnats, il devait passer voir le sélectionneur Lucien Acou, qui tenait un café près de l’abattoir d’Anderlecht. Il avait deux filles, Claudine et Martine."
Il a fallu un certain temps avant qu’Eddy et Claudine commencent à se fréquenter. "Eddy faisait son service militaire au Petit Château à Bruxelles, et un jour il a reçu une lettre de Claudine. Ensuite, ils se sont donnés rendez-vous dans un café du quartier, et de fil en aiguille, leur histoire d’amour a commencé", raconte Johny.
Il voulait épouser Claudine, mais ses parents lui ont demandé d’attendre un peu et de se concentrer plutôt sur sa carrière.
Johny Vansevenant, journaliste et auteur de la biographie d'Eddy Merckx.
Mais en 1967, lorsque Eddy et Claudine ont annoncé leur intention de se marier, la famille Merckx s’est montrée réservée, doutant que ce soit le bon moment. "Merckx est devenu champion du monde à Heerlen en 1967. Début décembre de cette même année, il voulait épouser Claudine, mais ses parents lui ont demandé d’attendre un peu et de se concentrer plutôt sur sa carrière. Mais Claudine a répondu : c’est maintenant ou jamais."
Eddy et Claudine se sont marié en 1967 à Anderlecht.
Le mariage a finalement bien eu lieu, et Claudine a prouvé au cours des années à quel point elle était une épouse dévouée pour un coureur cycliste de haut niveau. Elle a déchargé Eddy de toutes les contraintes du quotidien et l’a protégé des intrusions du monde extérieur. Lorsqu’ils vivaient à Tervuren, certains curieux allaient jusqu’à s’introduire dans leur jardin pour l’observer à travers les fenêtres. Claudine devait alors les chasser afin qu’Eddy puisse retrouver un peu de sérénité chez lui, conclut Johny Vansevenant, soulignant le rôle essentiel qu’elle a joué dans la vie du champion.
Autour du terrain de football d’Anderlecht
Le 18 mai 1978, Eddy, qui souffrait depuis plusieurs années de douleurs au dos, annonce la fin de sa carrière cycliste. Ce fut le moment le plus douloureux de sa vie : son rêve d’enfant s’est alors éteint définitivement.
Un an plus tôt, Paul Van Himst avait lui aussi mis un terme à sa carrière de footballeur, après une dernière saison sous les couleurs d’Eendracht Aalst. Van Himst et Merckx se connaissaient déjà depuis longtemps, mais c’est après la fin de leurs carrières respectives qu’ils sont vraiment devenus amis — les meilleurs amis du monde, même.
"J’ai vendu du café à ses parents, dans leur boutique à Woluwe-Saint-Pierre. Je connaissais donc Eddy depuis longtemps, et je savais qu’il aimait le football. Il jouait d’ailleurs très bien", raconte Van Himst. "Je jouais alors avec les vétérans d’Anderlecht, aux côtés de Jean Plaskie, Georges Heylens ou encore Jean Cornelis. Eddy voulait intégrer l’équipe aussi, mais ne voulait pas s’imposer. Finalement, il a tout de même participé à un match un jour, et c’est comme ça qu’il a intégré l’équipe des vétérans d’Anderlecht."
Quelques années plus tard, Paul Van Himst est devenu entraîneur d’Anderlecht. Le président Constant Vanden Stock a alors invité Eddy à accompagner l’équipe lors des déplacements européens.
Les deux amis inséparables continuent aujourd’hui encore à se rendre ensemble au parc Astrid, pour assister aux matchs à domicile d’Anderlecht."On arrive à l’avance et on prend d’abord un petit verre. Mais pas Eddy, car il ne boit plus depuis longtemps, alors je prends une coupe à sa place", raconte Paul en souriant.
C’est aussi à Anderlecht qu’une station de métro porte le nom d’Eddy Merckx
Eddy Merckx entouré de Remco Evenepoel et de son épouse Oumaïma, lors de l’hommage rendu au champion olympique avant un match d’Anderlecht.
Son foyer à Sint-Brixius-Rode
Eddy et Claudine vivent depuis plus de la moitié de leur vie à Sint-Brixius-Rode, un petit village de l’entité de Meise. Sous le clocher de ce village paisible, ils ont trouvé un endroit tranquille. C’est là qu’Eddy a également fondé, au début des années 80, son entreprise de fabrication de vélos. Il est citoyen d’honneur de la commune, et depuis 2015, une statue du plus célèbre habitant de Meise trône devant le centre administratif.
"Récemment, nous étions réunis devant un autre monument à son honneur à Meensel-Kiezegem, et quelqu’un a demandé à Eddy ce qui lui ferait plaisir pour son anniversaire. Il a répondu ‘me laisser tranquille’."
"Cela dit, il demande parfois s’il y a encore du monde qui emprunte le parcours cyclable Eddy Merckx qu’on a tracé là-bas, et si les gens s’arrêtent devant le monument. Le week-end, c’est presque devenu un lieu de pèlerinage ! Et ça, ça lui fait vraiment plaisir", confie encore son cousin Jef.
"Je serai un fan de Merckx jusqu’à mon dernier souffle. Je ne pourrai jamais le cacher...Eddy est toujours resté un homme simple, au grand cœur. Il dit toujours : 'Je suis de Kiezegem, et je le resterai toute ma vie'."
Tout près de sa maison natale à Meensel-Kiezegem, la grande fresque murale.
